L'Illusion Comique
L'illusion comique est une pièce de théâtre écrite en 1635 par Corneille. Celle ci possède des caractéristiques qui la rendent unique en son genre. Dans la lettre que Corneille dédie à Mademoiselle M. F. D. R à propos de son livre, on peut trouver écrit:
« Le premier acte ne semble qu’un prologue ; les trois suivants forment une pièce, que je ne sais comment nommer : [...]Le cinquième est une tragédie assez courte [...]Tout cela cousu ensemble fait une comédie »
A la lecture de la pièce, on s'aperçoit qu'elle n'est pas seulement dans le style baroque de l'époque. Le premier acte, en scène d'exposition ressemble en tous points à une pastorale. Les trois scènes qui suivent sont un mélange de comique (avec la commedia d'ell arte) et de tragique. Enfin, le dénouement est typique de la tragédie antique.
Pour expliquer en quoi le résultat est comique, nous allons résumer acte par acte les principales péripéties, puis nous ferons une étude des genres théâtraux avec une explication poussée sur les différents styles intervenant dans cette pièce : le style pastoral, la commedia d'ell arte et la tragédie. A chaque fois, nous expliquerons les similitudes avec le texte de Corneille. Puis nous conclurons sur le mélange théâtral.
1/ Résumé
2/ La pastorale: une scène d'exposition
A) Apparition et formes artistiques.
B) Règles du roman pastoral.
C) Rapport avec l'illusion comique.
1) Le lieu.
2) La force surnaturelle.
3) Un père désespérée
3/ La commedia dell' arte et le personnage de Matamore
A) Historique.
1. L'apparition en Italie
2. Essoufflement
B) Les règles de la commedia
1. Des masque
2. Le lazzi
3.Un jeu d'acteur
4.Des personnages précis.
C) Le personnage de Matamore dans la pièce de Corneille.
1.Un personnage apprécier.
2.La retranscription chez Corneille.
3.Une affilliation avouée.
4/ La tragédie
A) La Grèce antique, lieu de la première tragédie.
1. Une histoire de fête.
2. La vision antique de la tragédie.
3. Le mode d'action
B) Les règles.
1. Le destin...
2. D'autres règles
C) L'illusion, véritable tragédie.
1. Le fond des personnages...
2. Une mort bien présente
3. Les autres règles.
5/ Le mélange des genres
A) Le baroque.
1. Le négatif du classique.
Le baroque dans l'illusion.
B) Le classicisme.
1. La noblesse du classicisme.
2.Notre pièce
C) Une tragi-comédie.
1/ Résumé
Acte 1
Le premier acte se situe dans une caverne. Deux hommes, Pridamant et son ami Dorante, cherchent un magicien nommé Alcandre. Celui ci apparaît, et devine instantanément les raisons de la venue des deux hommes : Pridamant est à la recherche de son fils, Clindor disparu depuis dix ans. Mieux que cela, il propose de revoir son fils par le biais de fantômes. Alcandre somme Dorante de partir, et le mage commence à raconter l'histoire du fils au père.
Acte 2
Pridamant voit pour la première fois son fils Clindor, auprès d'un homme qui est son maître, Matamore. Un homme aussi couard que vantard. Puis, nous apprenons l'existence d'un nouveau personnage, la belle Isabelle pour qui aucun cœur ne résiste.
- Son prétendant officiel est Adraste. Mais ce dernier est repoussé par Isabelle (il ira tout de même demander sa main à son père Géronte.)
- Matamore avoue être lui aussi amoureux de la belle Isabelle.
- Mais l'amour d'Isabelle va à Clindor ( ce qui est réciproque)
Adraste se rendant compte de la potentielle rivalité avec Clindor, le met en garde.
Ce sera Lyse, la servante d'Isabelle qui, ayant vu ses avances repoussées par Clindor, et par vengeance, va proposer à Adraste de surprendre les amants.
- L'acte se termine par Pridamant qui émet des inquiétudes à propos du destin de son fils. Alcandre, le mage, le rassure.
Acte 3
Dans l’acte trois, Géronte reproche à sa fille de ne pas accepter Adraste comme époux. Clindor tentera de séduire lyse, mais cette dernière n'est pas dupe.
- Clindor et Isabelle sont surpris par Matamore. Ce dernier décide de s'effacer vis à vis d'Isabelle, après que Clindor l'ait menacé d'envoyer les domestiques.
- Adraste, guidé par Lyse, surprend un baiser entre Isabelle et Clindor. Ce dernier n'a pour seul choix que de le tuer. Son geste est surpris par les domestiques qui vont l'emmener en prison, où il devra être exécuté.
- La fin de l'acte se conclut sur Pridamant qui est de plus en plus paniqué.
Acte 4
- Isabelle désespérée, jure de mourir avec son amour. Lyse prise de remords décide de l'aider et lui explique qu'elle a séduit le geôlier. Clindor quant à lui se désole de son malheur dans son cachot. Isabelle et lyse, guidées par le geôlier arrivent et délivrent Clindor.
- Pridamant est soulagé.
Acte 5
- Le dernier acte se passe deux ans plus tard. Isabelle, ayant eu vent d'une infidélité de la part de Clindor annonce à Lyse qu'elle va le piéger. Elle se déguise en Rosine, l'épouse du prince Florilame. Clindor est pris à défaut et fait l'éloge de l'infidélité car cela réaffirme son amour. Il finit par renoncer à Rosine face aux menaces de suicide de sa femme.
- Rosine arrive et Clindor lui refuse ses avances. Ils sont surpris par les hommes de main du prince Florilame qui vont les tuer tous les deux. Mais la vérité, c'est que le prince de Florilame est tombé amoureux d'Isabelle. Pour parvenir à ses fins, il décide de faire tuer sa propre femme et l'homme de son amour.
- Pridamant est totalement détruit. Alcandre finit par lui avouer la vérité en lui montrant que toute cette tragédie n'était qu'une pièce de théâtre. Pridamant fait l'apologie du théâtre et voit combien le métier de son fils est merveilleux.
2/ La pastorale: une scène d'exposition
A) Apparition et formes artistiques
La pastorale est un mouvement né dans l'antiquité, et qui connait son apogée durant le XVI siècle. Elle regroupe deux formes d'art :
- La musique (Comme la sixième symphonie de Beethoven)
- La littérature avec la poésie...
Théocrite (Idylles)
Chantez en chœur, les beaux garçons !
Dansez en rond, les belles filles !
… et le roman pastoral (Cerventes, la galatea)
Le roman pastoral est subdivisé en deux catégories : le roman et le théâtre.
Malgré sa disparition, au XVII Siècle, la pastorale influencera la France avec la préciosité.
B) Règles du roman pastoral
Quel que soit son rapport avec l'art, la pastorale a toujours un rapport très étroit avec la nature. Elle décrit un monde antique où l'homme vivait en harmonie avec la nature. La pastorale met en scène des bergers de haute naissance qui passent leur journée à parler d'amour. L'homme y est libéré de toutes contraintes matérielles, et des intrigues de la cour. Il n'aura donc pas à s'occuper des troupeaux. C'est un principe très pur, ou la chasteté et la fidélité sont sans dire. Cependant, ce jeu de l'amour se passe par des relations complexes. Les personnages sont tour à tour mis à l'épreuve. Ainsi, il peut y avoir l'intervention de forces surnaturelles ou encore la disparition de personnes.
C) Rapport avec l'illusion comique
Dorante (Acte 1 scène 1)
Ce mage qui d'un mot renverse la nature
N’a choisi pour palais que cette grotte obscure.
Dans la scène d'exposition, et dès les deux premiers vers, Dorante place le décor et le contexte de la pièce qui vas suivre.
1) Le lieu
La grotte n'est pas un lieu provenant de la campagne pastorale. Ainsi, Corneille précise au début de la pièce une didascalie.
« La scène est en Touraine, en une campagne proche de la grotte du magicien. »
2) La force surnaturelle.
Le magicien est quant à lui précisé dans le dialogue qui suit. Ce n'est pas un simple « mage » mais une personne possédant des pouvoirs magiques.
Dorante (Acte 1 scène 1)
Qu’il connaît l’avenir et les choses passées;
Rien n’est secret pour lui dans tout cet univers,
De plus, il mettra son pouvoir en œuvre et prouvera que ce n'est pas un faux magicien en faisant apparaître des illusions. Ce qui se révélera être le thème central de la pièce par la suite.
3) Un père désespérée
Pridamant (Acte I, scène 1)
Ce fils, ce cher objet de mes inquiétudes,
Qu’ont éloigné de moi des traitements trop rudes,
Et que depuis dix ans je cherche en tant de lieux,
Ce discours est typique de la pastorale, car, le personnage se pose des questions de son rapport avec son fils. C'est d'ailleurs l'objet de sa visite dans la grotte et l'excuse théâtrale.
La scène d'ouverture respecte trois des grands principes de la pastorale. On peut donc la considérer comme tel.
3/ La commedia dell' arte et le personnage de Matamore
A) Historique
1) L'apparition en Italie
La commedia dell' arte est un style théâtral apparu au XV siècle avec les reppresentazioni en Italie. Ce seras Ruzzante qui au début du XVI siècle posera dans sa première comédie en prose les bases écrites d'un théâtre nouveau. L'innovation majeure étant que chacun des personnages possède un dialecte différent. Ceci poussera de nombreuses régions et localités à vouloir être représentées sur scène.
Les troupes de théâtre, comme le voulait l'époque, étaient ambulantes. Pour attirer le public, elles faisaient en sorte d'apprendre les rumeurs et l'actualité des régions visitées. Ces informations leur permettaient d'élaborer des improvisations brodées sur un canevas efficace. Les troupes était constituées aussi bien d'hommes que de femmes. Ce qui est extrêmement rare, car dans le théâtre classique, les rôles féminins sont toujours interprétés par des hommes.
2) Essoufflement
L'âge d'or de la Commedia dell'Arte sera au XVII siècle et s'effondrera au XIX siècle à la suite de nombreuses censures. Malgré une relance tentée par Goldoni au XVIII siècle, le déclin se fait sentir vers le début du même siècle. Goldoni tente de supprimer peu à peu les masques et d'éviter les blagues faciles. Il sera controversé, car son théâtre est considéré comme trop éloigné de la Commedia dell'Arte originelle. Aujourd'hui, malgré quelques pièces rejouées, la Commedia a été totalement abandonnée et aucun auteur connu ne semble récemment s'y être penché.
B) Les règles de la Commedia
La Commedia connait un grand succès auprès du public et de nombreuses troupes s'y prêtent pour y jouer. Cette prolifération d'acteurs, de canevas et de rires a des règles précises.
1) Des masques
Les personnages doivent absolument porter des masques (sauf les amoureux et les servantes). Cette coutume ainsi que les habits proviennent du style de danse particulier de l'Italie (apparue au XV siècle): Le Mascherata. La Commedia est d'ailleurs un style théâtral ou l'on danse et chante.
2) Le lazzi
La pièce de la Commedia dell' arte doit être absolument comique et le spectateur doit y rire. Pour cela, ce ne sont pas des traits d'esprit qui sont utilisés, mais plutôt des lazzis. Ce sont des plaisanteries burlesques, faites soit de paroles, soit de gestes qui jouent sur la surprise et font donc rire. Il est essentiel de ne pas faire trop de lazzis. En effet, cela doit rester une surprise. Et quel que soit la prestance, avec un trop grand nombre, cela devient lassant pour le spectateur.
3) Un jeu d'acteur
Appelée littéralement : « théâtre interprété par les gens de l'art » la Commedia se base sur de l'improvisation car les pièces sont très peu écrites. Pour ce faire, les acteurs qui tiennent un personnage doivent apprendre des répliques par cœur: reproches, déclaration d'amour, chagrin... Ainsi, ils connaissait une pléiade de répliques propres à chaque situation et savent répondre en ayant toujours le mot juste. De plus, les acteurs devaient tenir une forme olympique, chacun d'entre eux était capable de faire des acrobaties (même les pantalons). Enfin, il devaient caricaturer au possible et sur-jouer.
4) Des personnages précis
Les personnages quand à eux tiennent des traits récurrents qui vont finir par faire ressortir de grands personnages types telle que le valet, le pantalon, le docteur... Ces personnages, tous différents, ont pour fonction de caricaturer et de critiquer certains membres de la société. Les personnages sont pour la plupart très aériens, ils n'hésitent pas à se mettre à courir, à gambader pour revenir sur un sérieux de marbre quelques instants plus tard.
C) Le personnage de Matamore dans la pièce de Corneille
1) Un personnage apprécié
Un des personnage est issu de la Commedia dell'Arte : Matamore. Celui ci, s'approche du Capitan. Le Capitan est une caricature du militaire espagnol (car le coût des mercenaires payés en Espagne pesait lourd sur l'économie et rendait leurs pseudo-exploits héroïques insupportables au peuple) Particulièrement apprécié dans le théâtre du XVII siècle, il porte un chapeau à plume et possède une épée qu'il ne sort presque jamais, a l'exception du moment où il fait le récit de ses exploits. Il est présent dans des comédies de grands auteurs, tels que Bergerac, Scarron ou encore Desmaret. Il portera plusieurs noms tels que Brisemur, Fierabras et bien sûr, Matamore.
2) La retranscription chez Corneille
Le capitan est un personnage ambigu mêlant à la fois menace et couardise.
Matamore (Acte III scène 9 )
Au lieu d’être à genoux, et d’implorer ma grâce !
Il a donné le mot, ces valets vont sortir…
Le capitan aime à se dire plaire aux femmes.
Matamore (Acte II scène 2 )
J’avais des rendez-vous de toutes les princesses;
Les reines, à l’envie, mendiaient mes caresses;
C'est une personnage qui se doit d'avoir accomplie de grands exploits et se dit être craint de tous.
Matamore (Acte II scène 2 )
En Europe, où les rois sont d’une humeur civile,
Je ne leur rase point de château ni de ville;
De plus, de nombreux procédés son utilisés pour mettre en avant l'auto-éloge de Matamore : champ lexical du pouvoir, de la destruction, des procédés hyperboliques, des propos largement exagérés. En face de lui se trouve Clindor qui se comporte comme valet de la Commedia dell'Arte.
3) Une affiliation avouée
Si Matamore est très proche du Capitan, il subsiste des différences puisque dans la pièce de Corneille, il n'est pas censé porter de masques, ni même gesticuler. De plus, il n'est pas présent dans le dénouement, et n'a pas de fonction véritable à même la trame de l'histoire, mis à part celle de faire rire. Bien qu'étant un personnage improbable, il est reconnu par Corneille lui même dans sa préface comme étant un personnage de la Commedia dell'Arte.
" Il y en a même un qui n’a d’être que dans l’imagination, inventé exprès pour faire rire, et dont il ne se trouve point d’original parmi les hommes : c’est un capitan qui soutient assez son caractère de fanfaron, pour me permettre de croire qu’on en trouvera peu, dans quelque langue que ce soit, qui s’en acquittent mieux."
IV/ La tragédie
A) La Grèce antique, lieu de la première tragédie
1) Une histoire de fête
La tragédie est le premier style théâtral apparu au V siècle avant JC. Elle provient d'une fête crée par Dionysos, Dieu de la fête et du vin : Les Dithyrambes. Le terme provient du fait que l'on payait les acteurs avec des boucs ( Tragos en Grec ). Les bases du théâtre sont posées par Eschyle, véritable fondateur de la technique théâtrale.
2) La vision antique de la tragédie
Pour Eschyle, la tragédie doit se jouer avec deux acteurs mâles, adultes. On ne doit jamais voir du sang sur scène. Cela signifie que les morts sont hors-scène, et les scènes de mutilations sont racontées par un autre personnage (œdipe). La tragédie a ensuite évolué en accordant plus de personnages, et la possibilité aux femmes de jouer (bien plus tard).
3) Le mode d'action
Les spectateurs doivent être touchés par de la pitié ou de la peur. Pour cela, les personnages utilisés doivent être en quelque sorte des monstres. Le personnage central devra, à un moment, dire ce qu'il se cache dans son cœur via un ou des monologues. Cela a pour but d'enseigner et de critiquer la société. En montrant de telles histoires, le théâtre se veut d'épurer certains penchants néfastes (catharsis) et « rehausser » le niveau général.
« La tragédie (...) est une imitation faite par des personnages en action et non par le moyen de la narration, et qui par l'entremise de la pitié et de la crainte, accomplit la purgation des émotions de ce genre »
Aristote
B) Les règles
1) Le destin...
Les personnages de hautes naissances, vont se retrouver face aux Dieux, que l'on associera au destin. Il est montré que nul ne peut luter contre son destin. (Cette idée provient d'un récit sumérien : l'épopée de Gilgamesh) Les personnages, voulant lutter contre leur destin sont toujours rattrapés par le drame (oedipe). Le destin est concrétisé par un cœur. C'est un groupe de chanteurs qui ont pour fonction d'indiquer au public ce qu'il se passe, et d'expliquer. En effet, ce qu'ils affirment a toujours lieu. C'est une fatalité qui mène bien souvent à une fin malheureuse, et à la mort d'un ou des personnages.
2) D'autre règles...
L'alexandrin est l'une des lois les plus fondamentales, apparue au XVI ème siècle. Ce sont des vers en douze pieds (composés de deux hémistiches à 6 pieds chacun.). La pièce doit être en langue soutenue et comporter 5 actes. Le Titre doit être un nom propre( comme Andromède, Antigone...)
C) L'illusion, véritable tragédie
1) Le fond des personnages...
Nous avons deux monologues. Le premier est d'Isabelle. Celui ci est d'autant plus frappant qu'elle se déclare capable de mourir en même temps que celui qu'elle aime....
Isabelle (Acte IV scène 1)
Je veux perdre la vie en perdant mon amour: [...]
Je veux suivre ta mort, puisque j’en suis la cause,
...et qu'elle désire à travers sa mort toucher son propre père qui l'a mise en une telle situation.
Isabelle (Acte IV scène 1)
Ainsi, père inhumain, ta cruauté déçue [...]
Et si ma perte alors fait naître tes douleurs,
Auprès de mon amant je rirai de tes pleurs.
C'est ici un cas typique de mort tragique, rappelons nous Roméo et Juliette de Shakespeare. Les deux amants, voyant tour à tour leur bien aimé mort s'adonnent à la mort pour rejoindre leur moitié. Le cas y est presque semblable. C'est une vision héroïque et une des plus belles morts qui puisse exister.
Clindor lui aussi se montre à cœur découvert en avouant haut et fort son amour. Lorsqu'il fait son monologue, il est alors tiraillé entre sa peur de mourir et la joie que ce soit pour sa mie.
Clindor (acte IV scène VII )
Et la peur de la mort me fait déjà mourir.
Isabelle, toi seule, en réveillant ma flamme,
Dissipes ces terreurs et rassures mon âme;
2) Une mort bien présente
Clindor a tué son rival:
Géronte (Acte III scène XI )
C’en est fait, emportez ce corps à la maison;
Et vous, conduisez tôt ce traître à la prison.
La fin de la pièce voit aussi la mort de Clindor:
Acte V scène IV
« Éraste, poignardant Clindor. »
Dans la version de 1660, Isabelle meurt aussi. Pour la version de 1636, c'est Rosine:
Lyse (Acte IV scène IV)
Elle perd la parole.
Madame… Elle se meurt; épargnons les discours,
Quelque soit la version du livre, on constate plus de 3 morts. Ce qui est déjà beaucoup.
3) Les autres règles
La pièce doit faire cinq actes, être écrite en Alexandrin et les personnages parlent en langage soutenu. Les personnages sont de haute lignés.
V/ Le mélange des genres
Comme le dit si bien Corneille, « Tout cela cousu ensemble fait une comédie »
Cette pièce est en quelque sorte le pivot entre deux grands mouvements : le baroque et le classicisme. On peut observer la véritable dissociation des deux courants.
A) Le baroque
1) Le négatif du classique
Regroupent plusieurs formes d'art (peinture, sculpture, musique, littérature, architecture.) le baroque est un mouvements né au XVI siècle en Italie (juste après la renaissance). Il se terminera au XVIII ème siècle.
Le baroque est en quelque sorte le négatif du classicisme, qui se situe à la même époque.
« À l’analyse intellectuelle, le baroque préfère l’émotion, la perception ; face à la recherche de la vraisemblance, le baroque promeut l’illusion ; à l’unité de ton, le baroque privilégie l’inconstance et le paradoxe ; à la simplicité, le baroque oppose la complexité. » (Wikipédia.)
La mort y est comprise comme une obligation, une virgule irrémédiable... C'est un mouvement qui est dans l'excès, caricaturé, en hypotypose. Ceci sous entend des mises en scènes énormément travaillées pour les représentations.
2) Le baroque dans l'illusion
La Commedia dell'Arte concrétise ce style particulier. Avec ses personnages gras et caricaturaux, l'Illusion Comique est un assemblage de personnages types. Le père qui ne veut pas laisser sa fille, les serviteurs qui n'en font toujours qu'à leur tête...
De plus, quoi de plus vrai pour ce texte que de parler d'illusion ? Puisque toute la pièce n'est qu'une immense mise en abîme... Sans compter que l'illusion est au niveau des personnages même... Matamore croit en ses paroles, Pridamant croit son fils mort...
B) Le classicisme
1) La noblesse du classicisme
Le classicisme est plus récent, il remonte à la seconde moitié du XVII. Comme son nom l'indique, le classicisme signifie : ce qu'on étudie dans les classes. Cela part donc du principe d'un idéal beau. A partir de là, va s'établir un certain nombre de règles qui vont déterminer une façon d'écrire. Le mouvement est assez souvent religieux puisque quelques années auparavant, l'édit de Nantes aété révoqué.
Ses beaux principes sont repris depuis Aristote et sont toutes des qualités désirées et obligatoires à la cour : politesse, raison, culture, humilité... Les passions des héros y sont le plus souvent plus décrites que vécues.
« Qu'en un jour, qu'en un lieu, un seul fait accompli / Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli. »
C'est la fameuse règle des trois unités. Ici, la règle est observée car, le temps ainsi que le lieu ne change pas, puisque l'action se déroule dans l'illusion du mage..
2) Notre pièce
Dans notre pièce, on trouve de l'alexandrin, des personnages de hautes lignés, un langage soutenu, un dénouement tragique, un but catharsique (avec l'éloge du théâtre à la fin de la pièce)... On peut faire rentrer le classicisme dans la continuité du style de la pastorale avec quelques différences.
C) Une tragi-comédie...
La pièce étant écrite avant que le mouvement du classicisme n'apparaisse, il devient clair qu'elle est en avance sur son temps.
L'Illusion Comique de Corneille est en vérité... une tragi-comédie. Ce mouvement est née à la fin du XVI siècle et regroupe à la fois du grotesque, du tragique et de la farce... Cette pièce, se situe entre le baroque et le classique, et nous montre les changements de courants de pensées qu'il y a eu entre ces deux aires, en créant un « hybride » entre les deux ou plutôt un « étrange monstre » comme le précise Corneille.
Dorian Clair | 2010